Sofa à la Sappho
Je me suis offert un nouveau canapé. Il était temps ! Après toutes ces années à traîner cette bonne vieille banquette convertible made in Sweden, sans style ni confort, mais assurément couverte de tâches en tout genre. Elle aura vécu ; pour sûr elle en aura vu passer des paires de fesses. Complètement affaissée par endroit, elle aura tout de même survécu aux assauts de mon chat (qui, au passage, a disparu depuis six mois) et des enfants de mes sœurs. Elle aura bercé mes siestes de la mi-journée et celles des dimanches après midi nauséeux. Elle aura accueilli mes ex en leur offrant toujours le plus grand confort dont elle été capable, reléguée malgré tout loin derrière les reposes-séants présomptueux trônant chez ces messieurs. Elle aura rendu mon intérieur « djeun’s » au début (genre je débute dans la vie, soyez indulgent) puis « cool » un peu plus tard (je ne me prends pas la tête, ma banquette clic-clac me suffit bien) puis « fauché » (un canapé ça serait chouette mais c’est trop cher) puis « négligé » (faudrait quand même que je pense à changer de canapé) et finalement « pourri » ces derniers temps (ça ressemble à rien chez lui).
Je me suis donc mis, après de nombreuses hésitations en quête d’un canapé. Il y avait tellement de choix et je n’avais tellement aucune idée de ce que je voulais que je ne savais pas par où commencer. Je n’avais même pas idée du budget qu’il me faudrait, c’est pour dire. Je tournais dans les allées des magasins de meubles (endroits dont je ne raffole pas au demeurant – pas plus que les magasins de déco, n’en déplaise à V Damido) depuis déjà un moment, ne sachant pas comment me décider. J’avais lu dans un livre de Murakami, La fin des Temps : « …la plupart était des canapés mal faits qui paraissaient avoir été achetés au petit bonheur la chance […] Je ne comprends pas comment les gens peuvent se montrer aussi négligents dans le choix de leurs canapés. A mon avis, généralement parlant, la dignité humaine d’une personne transparaît dans sa façon de choisir un canapé… »
Bien que n’ayant pas bien compris ce qu’il voulait dire, j’avais conservé cette idée que le choix d’un canapé en disait beaucoup sur son propriétaire. En d’autres termes, j’avais la pression, ce qui ne m’aidait pas.
M’est alors subitement venue l’idée de m’imaginer en train de folâtrer dans mon futur-nouveau canapé avec un bellâtre quelconque – un vendeur avenant, par exemple… Les choses sont tout à coup devenues beaucoup plus simples. Car l’acte de faire l’amour sur un canapé suppose d’avoir réglé tous les problèmes afférant au choix dudit meuble : esthétisme et raffinement (sans lesquels rien ne serait envisageable), place (un minimum pour ne pas risquer de se cogner la table basse), robustesse (toutes mes conquêtes ne sont pas supposées être des poids plume), entretien (il faut penser aux tâches de toute sorte, eh oui, désolé d’être terre à terre) et confort bien sûr (pour pouvoir paisiblement s’y endormir… après(coup) ).
En fin de compte, j’ai vite trouvé le modèle qu’il me fallait. Il m’a été livré hier.
Il ne me reste plus maintenant qu’à trouver un partenaire pour l’étrenner, ce qui sera peut être plus difficile que de choisir un sofa !?