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Gay.mais.pas.que
31 janvier 2011

Le puzzle

Je vais tenter dans ce billet nouveau de répondre à la question directe que m'a posée RPH dans son commentaire à mon dernier post. Il a dit : "Tu es très souvent à te dénigrer: c'est plutôt là le problème. Je ne vais pas me lancer dans une psychanalyse à 4 sous, mais tu pourrais essayer d'y réfléchir et nous raconter pourquoi, si j'ose..."

C'est une question assez complexe et dont la réponse ne se donne peut être pas en quelques lignes sur un blog, mais je veux essayer. D’autant que je pense avoir les éléments de réponse dans ma tête mais pour dire la vérité, c’est assez confus ; un peu comme un puzzle tout mélangé dont chaque morceau serait une image à part entière.

Le premier morceau du puzzle me représente adolescent. Je n’ai pas eu des parents que je qualifierais « d’encourageants », loin de là. Ma mère et mon père ont toujours eu un regard très critique sur moi, notamment parce que j’étais un garçon timoré, taciturne, fin (voire efféminé) et trop sensible. Ils se sont sans doute fait du souci pour moi car j’imagine que c’est difficile de voir son enfant (son fils aîné qui plus est) qui n’arrive pas à s’épanouir. Leur crainte s’est quelquefois exprimée sous forme de reproches. Cela a sans doute contribué quelques temps à dégrader l’image que j’avais de moi et qui n’était pas vraiment, comment dire ?, rassurante.

Le deuxième morceau représente forcément cette part de moi dont je ne peux pas me dissocier complètement : mon homosexualité. Il faut savoir que j’en ai beaucoup souffert (sans doute pas tellement plus que la plupart des gay, mais c’est déjà trop) et que cela ne fait vraiment pas très longtemps que j’arrive à la comprendre. Pendant des années, je me suis battu contre elle, rejetant cette partie de ma personnalité. J’ai trouvé cela injuste, dégradant, humiliant, dégoûtant aussi, en même temps qu’irrépressible, inné, et excitant ! De cette anarchie est née une certaine forme de maturité mais il m’a fallu beaucoup de « force intérieure » et donc d’estime de moi pour m’accepter. Sans doute ce combat a-t-il laissé des traces inconscientes dans ma façon de m’appréhender ou de me décliner.

La troisième pièce du puzzle est la représentation de ce que j’appelle « mon wagon de retard ». J’ai toujours eu un train de retard pour tout ! J’ai commencé à acheter mes premiers 45 tours de pop bien après mon entrée au collège, alors que je décrochais à peine de l’Ile aux Enfants et autres programmes « pour bébé » que, bien évidemment, ceux de ma classe ne regardaient plus depuis belle lurette. J’ai mis des années avant de donner un avis sur les vêtements qu’on achetait pour moi et avant de comprendre que cela avait une incidence sur l’image que les autres avaient de moi. J’ai commencé à fumer à 18 ans, j’ai embrassé une fille pour la première fois sur la bouche à 19 (et un garçon la même année…) et je suis resté puceau encore un an de plus. J’ai découvert les voyages à 35 ans, la littérature à 34 et le sport à 33… Je prends conscience petit à petit de mes capacités mais, comme dirait l’autre, je suis plutôt lent à la détente.

La quatrième pièce représente une scène tragi-comique : moi et les autres. Je suis tellement fasciné par les talents des autres que les miens, aussi modestes et inconstants qu’ils sont, me paraissent devenir quasi inexistants. Pourtant je sais que je peux être doué pour certaines choses comme par exemple trouver des slogans (je sais, c’est assez peu utile) ou écrire de jolies phrases. Je suis doué d’empathie et je suis plutôt pédagogue. Malgré tout, qu’est ce que tout cela devant des gens qui savent peindre des tableaux à couper le souffle, écrire des romans captivants, vous ensorceler de leur chant, résoudre des problèmes complexes, maîtriser plusieurs langues ou encore établir d’incroyables performances sportives ? Dans ces moments là, quand je réfléchis à ce que je sais faire bon-an, mal-an, je me dis que la médiocrité – sans que le terme soit péjoratif – est ma condition.

Un dernier morceau de puzzle permet de mettre en lumière ce petit jeu qu’est la fausse modestie. Je ne serais pas complet, en effet, si je n’avouais pas que, de temps en temps, je manipule la fausse modestie. J’assombri un peu le tableau pour obtenir en retour quelques compliments ou quelques louanges bien réconfortantes. Je ne pense pas abuser de cette pratique un peu tendancieuse, j’en conviens, mais je reconnais que j’en use parfois presqu’inconsciemment, un peu comme si c’était là ma seule façon de penser ou de me présenter. Mais au regard de tout ce qui précède, vous savez maintenant qu’il n’en est rien.

Je ne sais pas si les 5 morceaux de ce puzzle forment ensemble une vision assez précise de mon état d’esprit. Je ne me dénigre pas. J’apprécie le plus souvent ce que je suis : un garçon charmant, somme toute assez curieux pour paraître intelligent et, ma foi, presqu’équilibré. Mais ma recherche de l’objectivité, mes tentatives de lucidité et ma fâcheuse tendance à voir le verre à moitié vide me font parler de moi dans des termes un peu durs. Peut être ne faut il y voir, finalement, qu’un peu d’exigence envers moi-même ?
Enfin, si comme on le dit « qui aime bien châtie bien », alors je crois qu’il ne faut pas se faire de souci pour moi et mon égo…  
 

 

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Commentaires
G
Ok. Je ne suis pas d'accord avec le billet. :) Moi je suis quelqu'un qui écrit des oeuvres vendus à des dizaines de milliers d'exemplaires. J'ai 28 ans. Et pourtant je ne suis pas plus heureux pour autant. J'ai donc réfléchi... Ca fait un petit moment déjà. Et les choses vont mieux pour moi.<br /> Conclusion : ce qui compte ce n'est pas de faire des choses exceptionnels, mais la manière dont tu perçois le regard des autres sur toi. Pour te sentir exceptionnel, il te suffit de te sentir fortement désiré par les gens qui te sont proches. Et là ta vie va changer. Le regard des parents est l'un des plus importants. S'il n'y en a pas assez de désir, à toi de réécrire l'histoire. <br /> Et si tu souffres, c'est que tu commets l'erreur de te faire des repproches.<br /> <br /> Voilà, en espérant t'éclairer
E
@ Stéphan : sans doute ne dit on jamais toujours tout - et heureusement je pense.<br /> <br /> @ PascalR : la fausse modestie a parfois des fins assez inavouables.<br /> <br /> @ Enguerrand : Merci. Je ne cherche pas à me dévaloriser mais simplement à essayer de comprendre quelle est ma vraie place dans tout ça.<br /> <br /> @ Arthur : Je ne peux pas "parler" pour toi, mais c'est sans doute normal que nos discours respectifs se recoupent.<br /> <br /> @ FunkyPriss : sans doute pas la seule lectrice de ce blog, mais la seule qui fasse des commentaires et je t'en remercie sincèrement. Surtout que tes commentaires sont de vraies louanges... Merci !<br /> <br /> @ Tambour-Major : je dirais même plus : ce que je ne tolère pas chez moi devient parfois une qualité ou un "côté charmant" chez les autres ! On croit rêver...<br /> <br /> @ Endim : tu n'es pas dupe : je laisse au lecteur le soin de faire la synthèse parce que moi j'en suis sans doute incapable, faute d'objectivité suffisante.<br /> <br /> @ Eausauvage : merci. Crois tu vraiment que l'exigence envers soi même soit si rare que ça ? Toi même ne l'es tu pas ?<br /> <br /> @ Loup : il n'est jamais trop tard pour donner un avis intéressant. Tu as bien résumé le sujet : oui, je ne suis qu'humain --et c'est tant mieux, finalement--<br /> <br /> **** merci à tous pour vos commentaires et réactions ****
L
J'arrive un peu tard pour commenter, et mon commentaire ne sera pas très original : comme beaucoup d'autres, je me suis reconnu plus d'une fois dans ce que tu écrivais. En fait, il y a quelque chose de rassurant dans ton billet, c'est qu'il nous conforte dans le fait que nous ne sommes qu'humains : on voit les qualités des autres, et on en oublie les doutes qu'entretiennent ceux qu'on a tendance à admirer, oubliant par là-même les qualités qu'on a soi-même.
E
Merci pour ce billet, tu es exigeant avec toi même et c'est une qualité rare. <br /> Je me suis reconnu dans ces lignes et dans certains ressentis que tu exprimes si bien.<br /> <br /> J'ai grand plaisir à te lire !
E
C'est un billet qu'il aurait été dommage de ne pas pouvoir lire dans toute sa longueur! J'aime beaucoup cette présentation par morceaux, qui laisse le soin au lecteur de faire une synthèse.<br /> Et moi aussi je me retrouve dans bon nombre des traits de vie et de caractère dont tu parles.
Gay.mais.pas.que
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