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Gay.mais.pas.que
17 juillet 2010

Le fond du sac à dos - 31e message

- Nouvelle -

Le fond du sac à dos.

Récemment, je dirais il y a 2 mois tout au plus, j’ai fait l’acquisition d’un sac à dos. C’est un sac à dos très simple. J’ai eu besoin d’acheter ce sac pour ramener des souvenirs d’un voyage. Ma valise étant trop petite, il me fallait un complément. J’ai donc cherché à dépenser le moins d’argent possible, tout en essayant de trouver un sac à dos qui soit fonctionnel et surtout assez grand pour accueillir tous les objets que je voulais qu’il m’aide à transporter. Finalement, c’est sur un marché quelconque, sur une étale qui ressemblait à toutes les autres, que j’ai trouvé ce sac. L’air de rien, il se tenait droit derrière une pile de sacs bien plus arrogants que lui, attendant sans doute que je le remarque. C’était risqué comme stratégie, mais ça a marché puisque je me suis tout de suite décidé pour lui. Quelques euros et le sac est devenu ma propriété.

C’est un sac à dos en nylon, je crois. Il est rouge et noir. Le rouge c’est pour lui donner un aspect dynamique et le noir, un côté plus classique. En ce sens, c’est un bon compromis entre les sacs de sport et les sacs de voyage. Même si le nylon n’est pas très résistant, c’est malgré tout une matière d’un bon rapport qualité / prix ; en tout cas, pour l’usage initial que je voulais faire de mon sac à dos, cela me paraissait bien suffisant. J’ai compté : il y a 7 poches sur mon sac. Pour un sac simple comme lui, je dirais que c’est déjà une belle performance. Il y a des poches et des fermetures éclair de toutes les tailles. Il y en a même une cachée dans la doublure. Dans cette pochette la on peut ranger son portefeuille ou quelque chose de précieux (mais de petit car l’endroit est assez exigu – pour ne pas se faire repérer). Moi je n’ai pas mis mon portefeuille dans cette poche. J’avais bien trop peur qu’on me vole mon sac à dos flambant neuf avec tous mes souvenirs. Il n’aurait plus manqué qu’on me vole mon portefeuille par la même occasion et là, pour le coup, je me serais vraiment senti démuni…

Je vous rassure, il n’en a rien été. On ne m’a pas volé mon sac à dos. Les objets qu’il contenait son arrivés à bon port. Pourtant, à certains moments pendant le voyage, j’ai craint que les coutures du sac craquent. Je l’avais tellement rempli de choses et d’autres… Mais non, il a tenu bon. Je dois dire que ça a été un bon test et une fois rentré chez moi je n’ai plus eu l’ombre d’un doute : mon nouveau sac à dos rouge et noir allait remplacer définitivement mon vieux sac à dos orange, élimé jusqu’à la corde !

Je n’ai pas jeté mon vieux sac orange. Je n’ai pas pu m’y résoudre. Pourtant il a vécu et il est en piteux état. Mais il m’a rendu tant de services, que j’ai peine à m’en séparer. Du coup, je le laisse se reposer dans un coin du cagibi, tout au bout de l’appartement. Il  y est au frais et au sec, ce qui n’est pas un mal. Par contre, c’est vrai qu’il y fait sombre également… Une sorte de maison de retraite en fait, où mon sac termine sa vie dans l’indifférence, mais sans violence – si ce n’est celle faite à sa dignité, puisqu’il ne sert plus à rien.

Mon nouveau sac rouge ne chôme pas depuis qu’il est devenu sac officiel. Il est tous les jours sollicité. Il transporte mes dossiers, mes vêtements de travail, mes vêtements de sports, mes chaussures, parfois aussi mes repas du midi ou mes encas de la mi-journée. Il est complet, comme je vous l’ai déjà dit. Dans les petites poches de devant, je range mes papiers d’identité et mes chewing-gums. Dans la pochette moyenne je place mes lunettes de soleil, mes clés ou mon MP3 et mon portefeuille est, bien sur, rangé dans la poche secrète de la doublure.  Tout cela semble harmonieux, presque décidé à l’avance par le Grand Ordre des Choses. Pour sûr, mon vieux sac orange n’était pas aussi pratique.

Depuis plusieurs semaines, donc, j’ai pris l’habitude d’entasser des choses diverses et variées dans mon nouveau sac à dos. Il les transporte sans rien dire. Comparé à ce qu’il a du charrier au retour de mon voyage, ce qu’il fait maintenant est tout à fait à sa portée.
Ce soir, en vidant mon sac de son contenu de la journée (une chemise sale, une paire de chaussures de ville, des clés, une pompe à vélo, un portefeuille caché, des lunettes de soleil et un lecteur MP3), j’ai cru apercevoir quelque chose d’inhabituel posé sur le fond en plastique noir. J’ai d’abord cru à un papier brillant. Un morceau d’alu ou quelque chose comme ça. C’est le reflet qui m’a attiré. Mais en y regardant de plus prés, je me suis aperçu que l’objet au fond du sac était en mouvement. Un mouvement lent et régulier. On y voyait pas très bien, à tel point que j’ai du me pencher très en avant et attendre un peu que mes yeux s’habituent à la pénombre pour discerner ce qui semblait battre comme un cœur chaud au fond de mon sac. C’était rond, et ça captait la lumière. C’était glacial et pénétrant. J’ai plissé mes paupières comme pour dire « manquait plus que ça » et j’ai bien été obligé de me rendre à l’évidence : il y avait un œil posé au fond de mon sac. Enfin, pas posé là comme une bille qui aurait roulé à l’intérieur. Non, posé comme le nez est posé au milieu du visage. Là il y avait un œil posé au milieu du fond du sac à dos rouge et noir.

Je me rends compte maintenant que je n’ai même pas eu de mouvement de recul. J’aurais du ? Je ne sais pas. Je me souviens de la couleur de l’iris : marron. Marron foncé même, avec des légers reflets orangés sur les côtés. Un bel iris en somme. Au centre, une grande pupille dilatée, très noire et sans reflets, elle. Je pense que l’œil du sac me regardait, mais je n’en suis pas certain en fait.  Peut être qu’en fait il regardait derrière moi, derrière mon corps, derrière ma chair, mes viscères et mes os. Peut être même qu’il n’avait pas conscience de ma présence ou, encore pire, de mon existence ? Que pouvait-il bien regarder cet œil au fond de mon sac ? Mes vêtements de travail, mes vêtements de sport, mes chaussures de ville, mes déjeuners tout prêts, mes chaussettes plus ou moins propres, mes lunettes de soleil, mon MP3, mon portefeuille ?

En somme, regardait-il ma vie défiler devant lui ?

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Commentaires
E
Merci Comdhab de comparer mon pauvre style à celui du grand M Murakami. A force de le lire, c'est vrai que je me laisse influencer... et j'aime ça. L'idée de ce genre de récit est de laisser le lecteur se faire sa propre conclusion, avec le risque pour l'auteur d'être mal (ou pas) compris...
C
Ca, c'est du Murakami en puissance... <br /> Je reconnais l'approche stylée des choses banales du quotidien se transformant en choses inhabituelles et oniriques.<br /> Donc j'en conclue que ton propre oeil de verre a glissé dans ton sac à dos... c'est ça ???
Gay.mais.pas.que
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