Actu oblige
Je me posais récemment cette question : dois-je forcément réagir à l’actualité ? Contrairement à d’autres, je n’ai pas envie de parler des retraites, de la pénurie d’essence, des grèves, des manifestations, des étudiants… Bien que partie prenante, comme chacun d’entre nous, je me sens pourtant assez éloigné de toute cette agitation. Au risque de provoquer l’étouffement par excès de colère de quelques uns de mes lecteurs – mais ils ne se formaliseront pas de mon irresponsabilité flagrante –, je dirais que je n’arrive pas à me sentir concerné. Pourtant je le suis, je la sais. Mais tout m’éloigne et je ne ressens pas le besoin d’en parler. J’éprouverais même de l’oppression face à ces sujets. Une sorte de malaise.
Mon actualité à moi est plus intemporelle. En cela ce n’est pas vraiment de l’actualité me direz vous, mais comment l’appeler autrement puisque tous les jours j’en constate les nouveaux développements ? Mon actualité, donc, est plus personnelle, plus intime. Oui, c’est cela : mon actualité je ne la partage pas avec les autres. Je ne peux en délivrer que quelques bribes, de-ci, de-là, mais elle reste toujours mon jardin secret. Mon petit trésor. Mon actualité n’est jamais démodée. Elle ne le sera jamais parce qu’elle n’a pas de durée de vie. Elle est éternelle. Elle traverse les époques sans jamais se transformer en buzz, en scoop, en tweet ou en quelque autre onomatopée.
Mes évènements se cachent dans les endroits où personne ne va regarder. Ils vous surprennent au détour d’un regard, d’un mot, d’une scène du quotidien. Ils parlent de ce qui nous compose, nous tous, au plus profond de nos gênes et de nos cellules. Ils sont notre essence.
Mon actualité c’est cette vieille dame ce matin dans le rayon gâteaux. Elle regarde la boîte de Petits Oursons au chocolat qu’elle a extirpée de l’étagère et qu’elle tient dans sa main. Elle ne bouge plus et elle a comme un sourire léger, discret, tenu, presque invisible mais tellement profond. Elle est là, dans ce rayon quelconque d’un magasin quelconque et pourtant elle est déjà si loin. Si loin d’ici et probablement si proche des enfants à qui elle va offrir ces gâteaux. Peut être ce mercredi après midi, quand ils viendront lui rendre visite (comme tous les mercredis après midi) ou alors peut être ce week-end quand ils arriveront enfin après ce long trajet en voiture. Ils viennent de si loin et c’est si difficile pour des enfants de cet âge de rester assis pendant des heures dans une voiture, se dit-elle.
Je n’ai pas pu m’empêcher de la regarder et d’y voir ma propre grand-mère, bien qu’elle fût assez peu du genre à nous offrir des gâteaux... C’aurait pu tout aussi bien être ma mère attendant ses petits enfants qui vivent tellement loin d’elle (sans elle ?)… Peu importe ! Ce qui compte c’est son plaisir de (les) nous revoir. Pour chacun d’entre nous, le plaisir s’entourer d’êtres proches.
Ca n’est ni attendrissement, ni gentillet et encore moins cul-cul. C’est la vie, tout simplement. Notre vie n’est pas dans cette agitation incessante qui nous caractérise, nous les humains. Elle est, je le crois sincèrement mais je n’arrive pas à le comprendre tout à fait, dans nos émotions. C’est comme si nous avions deux vies : celle pour les autres, pour l’apparence, pour l’apparat, pour ne pas trop penser à notre deuxième vie. Notre deuxième vie : celle pour soi, pour le cœur, pour notre intégrité, celle qui fait que nous ne sommes pas différents les uns des autres…
Mon actualité à moi c’est celle de cette vie là. Celle qui rend les gens heureux ou malheureux mais, dans tous les cas, vivants. Et tant pis si mon blog n’est qu’un ramassis de ces histoires sans intérêt, tant pis s’il ne prend pas parti, tant pis s’il ne s’engage pas ; après tout, un blog n’est qu’un miroir de soi.