Vendredi 22 juillet 2011 - 13h01

"Prendre de l'âge". Que voilà une expression intéressante, je trouve.

D'abord parce qu'on ne prend rien. L'âge (le temps, les années,etc.) ça ne se prend pas, ça se reçoit. Peut être que si nous avions le choix, certains d'entre nous préféreraient rendre de l'âge plutôt que d'en prendre. 

Prendre de l'âge, ça commence pareil que prendre le large. D'ailleurs, ça se ressemble drôlement quand on le dit vite. C'est peut être la même idée qui est à l'origine de ces expressions distinctes. Peut être que prendre de l'âge, n'est ni plus ni moins la même chose que prendre le large... pour finir par disparaître ? Et puis, comme on dit, avec l'âge on devient, non pas large, mais largué.

Prendre de l'âge, ça me fait penser à "prendre de la bouteille". A la manière d'une bouteille de vin, donc, on se bonifierait en quelque sorte au fil des années. Sauf qu'à un moment on tourne au vinaigre. Prendre de l'âge oui, mais jusqu'à un certain point. En fait, il faudrait pouvoir arrêter de prendre de l'âge lorsque l'on atteint sa maturité. Pour certains ce sera à 25 ans et pour d'autres à 50. Dans un cas comme dans l'autre il ne faudrait pas attendre pour être consommé au risque de finir consumé sans l'avoir été, consommé. Car bien vite la douce montée des années qui s'accumulent devient une pente vertigineuse quand le point de maturité est dépassé. C'est comme un fruit : une fois qu'il est mûr, si on ne le mange pas il se gâte. Et nous nous devenons gâteux.

Prendre de l'âge, c'est entasser tout un tas de choses qui, globalement, nous serons assez inutiles. Des richesses (ah bon ?) pour certains qu'ils donneront à leurs ayants droit. Des connaissances, qu'ils n'auront plus le temps de transmettre à d'autres. Des souvenirs : jaunis et nostalgiques. Et peut être  de la sagesse, la seule "chose" qui leur sera utile. Utile pour aborder sereinement leur fin de vie. 

Prendre de l'âge c'est ...perdre de la matière. Physiquement j'entends. On perd sa fermeté, son élasticité, et forcément sa jeunesse. Et psychiquement le tableau n'est guère meilleur. On perd son tonus, on perd son ambition, on perd ses rêves. Enfin on perd ses proches et on perd ses amis...

Prendre de l'âge, c'est comme se faire sortir d'un système qui tourne sur lui même. On était bien au centre et finalement, parce qu'on est moins ceci ou plus cela, on finit par se faire expulser vers les bords. Ça continue de tourner au centre mais nous, tranquillement, on est de plus en plus éloigné du milieu. On tourne moins vite. On finira bientôt par ne plus tourner, par sortir du disque.

Prendre de l'âge ce n'est pas triste. C'est la vie, ni plus ni moins. Il n'y a pas de quoi en faire tout un billet. Il faut l'accepter puisque de toute façon on a pas le choix...
Et puis peut être qu'avec un peu de recul on peut rendre tout ça plus amusant qu'il n'y paraît ?

Comments

[Farfalino]

être sur le bord du disque permet de voir le centre d'un autre oeil, peut-être même de trouver que l'agitation au centre est vaine et frénétique.

Pour faire un lien avec le billet suivant, il faudrait pouvoir se projeter à la fin de sa vie et imaginer quel regard on pourrait alors porter sur ce qui s'est déroulé pour faire en sorte dès aujourd'hui d'être satisfait à la fin (c'est clair ?!)

Personnellement, la vanité de ma vie, comme celle de beaucoup d'autres, ne m'effraie ni m'attriste.

[endim]

Moi aussi j'aime cette image poétique de la "sortie du disque".
Accumuler des connaissances n'est pas une chose si inutile, qu'on les transmette ou pas. Enfin je l'espère, parce que je fonde pas mal d'espoir là-dessus.
Il y a finalement de quoi en faire tout un billet (et bien d'autres) ;)

[RPH]

"On perd sa fermeté, son élasticité": effectivement, le palpé de la fesse devient flasque.
"on peut rendre tout ça plus amusant qu'il n'y paraît": je cherche toujours des gens pour s'amuser avec moi et il se trouve que j'en trouve. Bon, alors, jusqu'à présent tout va bien. Attendons la suite...

[Flavien]

C'est un très joli billet, comme tu sais les faire. Pourtant il n'explique pas ces gens qui affirment qu'à soixante-dix ou quatre-vingt ans ils n'ont jamais été aussi heureux.
Il ne dévoile pas non plus pourquoi moi je me sens en vieillissant de plus en plus dense, de plus en plus centré sur l'essentiel.
Mais prendre le large, sortir du disque, est bien poétique, et donc forcément vrai. Quelque part.

[traileurfou]

J'aime beaucoup ta conclusion. Et si vieillir, c'était prendre le temps pour soi. Avec le recul de la vie se faire plaisir même avec les petits rien de la vie. Le reste n'est qu'une question de volonté, d'hygiène de vie, de génétique familiale. Je crois qu'il faut accepter de prendre de l'âge, ne pas le faire c'est s'exposer à plus ou moins long terme à des problèmes.