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Gay.mais.pas.que
8 décembre 2010

Mon corps complexé

faceDe mon corps complexé j'ai souvent une mauvaise opinion. Pesant, il se rappelle à moi chaque jour comme l'écrin inconfortable d'une pensée qui se voudrait raffinée.
Il s'use à vue d'oeil, comme un fruit qui se gâte au milieu de la corbeille. Vous ne pouvez pas le distinguer nettement pour l'instant mais déjà, pourtant, sous ma peau le temps a commencé son oeuvre. Compagnon indéfectible, il m'a rendu fort et m'a offert les atouts de la jeunesse. Lui-même me les reprend aujourd'hui un par un. Du plus superficiel au plus crucial, au plus vital aussi. Que pourra-t-il bien rester de mon esprit frivole quand mon corps, qui le porte, redeviendra la poussière des origines ?

MOUTHMa bouche n'a sans doute pas toujours prononcé les mots qu'il fallait ;  elle n'a souvent fait que siffler des méchancetés, des ragots et des stupidités. Elle s'est montrée incontrôlable, parfois : paroles en l'air, promesses non tenues, serments trop rapides. L'impression d'avoir menti... Elle aurait du se taire plus souvent qu'à son tour.Parfoistour.Parfois aussi, elle s'est gonflée d'orgueil à l'idée de rejoindre la tienne, devenant pulpeuse de désir, charnue de plaisir. Au contact de tes lèvres les miennes ont rougi et se sont entrouvertes pour t'accueillir. Moments devenus, hélas, trop rares, mais expériences savoureuses parce que peu nombreuses.
Le goût du sucre encore un peu et les grimaces de temps en temps. Les sourires trop peu souvent.

ARMS_2

Mes mains si mal habiles ne pourront sans doute jamais retranscrire correctement les inepties compliquées de mon cerveau fumeux. Pourront elles au moins dire au monde combien elles se sont senties frustrées de n'avoir eu aucun talent ? Je me demande si elles porteront les marques d'une vie de travail ou si elles ne seront finalement que l'illustration d'une existence faite de croyances et de rêveries ?
J'espère qu'elles auront donné à quelqu'un un quelconque plaisir. Et quand il fera froid, je souhaite qu'elles trouvent les tiennes pour se réchauffer. Pourtant jusqu'à présent elles n'ont pas su étreindre ceux qu'elles voulaient tant caresser.

EARSSourd bien qu'entendant.  Je resterai sans doute l'ignorant que je suis, incapable d'entendre. Car je doute de savoir un jour écouter vos murmures, vos invitations, vos reproches et vos conseils.
S'ouvrir sur le monde avec des oreilles fermées quelle gageure !
Je n'ai pas recueilli vos mots doux, dits rien que pour moi mais déjà susurrés à tant d'autres avant ça.
Mes oreilles comme mes yeux n'ont pas goûter ce luxe de {re}connaître la beauté.

J'aurais aimé faire entrendre ma voix, maigre filet dans ce vacarme étourdissant. Trop faible, trop neutre, trop quelconque. Ma gorge sera restée nouée, emplie qu'elle est d'amas d'humeurs.

Aveugle, sourd et muet, comment aurais-je pu me nourrir de tous les délices de la vie ?
Comment savourer les moments rares quand on ne les voit même pas passer ?

HEART

Mon coeur ardent, fougueux, protégé dans ma poitrine n'a connu que les soubresauts de la vie des hommes. Sans plus ; et sans la passion, mais simplement avec l'idée qu'on peut s'en faire.
Il aura fait tourner la machine, entretenu le feu et distribuer la vie. Inlassablement, jusqu'au dernier souffle il aura distiller sa chaleur.

Il aurait pu être généreux, vaillant, brave, fidèle... Rien de tout cela. Il n'aura été qu'un moteur, une pompe à sang, un muscle parmi d'autres. A défaut d'être envoûté, de s'emballer ou de s'enflammer, puisse-t-il tout simplement continuer à me faire vivre au quotidien.

SEX

Un sexe d'homme pour me déterminer. Argument de taille quand les moeurs sont ambigües. Il n'a pas tenu le rôle que la Nature avait prévu pour lui. Il n'a pas reproduit : ni les erreurs, ni {comme dans} le passé, ni {pour} le futur.

Il a été bien plus qu'un organe incongru sorti du corps pour se perdre dans une forêt de poils protecteurs. Bien plus qu'un instrument pour transmettre la vie de l'homme à la femme. Plus qu'un cordon de fécondité, il aura été une source de découvertes hors du commun. Une baguette magique aux mille et un pouvoir (dont beaucoup resteront inconnus de moi). Une révélation, que dis-je, une révolution !

Alors certes, j'aurais pu l'espèrer plus grand, plus fier, plus valeureux et rechercher pour lui plus d'amis attentionnés. J'aurais pu le mettre au centre de ma vie comme il est au centre de mon corps. Mais c'aurait sans doute été lui accorder un peu trop d'importance, lui qui a déjà tendance à prendre la grosse tête...

BELLY

Mes jambes à mon cou, il me reste l'option de fuir. De partir. Pour aller où ?
Courir, à perdre haleine. Courir sans trop savoir pourquoi ni dans quelle direction. Comme foncer dans un mur, le savoir et accelèrer.
C'est pourtant ce que je fais tous les jours, imperturbablement.

Courir après le temps, après l'amour, après l'argent... après des choses qui ne s'attrapent pas.

FEET

Courir de temps en temps, quand j'ai le temps, pour sentir que mon corps tout entier est capable de mouvement, ce corps pesant, cloué au sol.

Les pieds sur terre j'essaie de prendre de l'altitude. Je cherche la stabilité entre la surface et le ciel, entre la terre et les nuages. Mais je n'y parviens guère, trop diverti que je suis par des préoccupations sans intérêts.

Je ne sais pas reconnaître les liens qui unissent mon corps et la terre que je foule, même si je sais qu'approche lentement mais sûrement le temps où leur histoire deviendra commune...

NECK

Faute de savoir qu'en faire, je nourris ce corps complexé dont j'ai une mauvaise opinion.
Je suis injuste avec lui. Je le sais bien. Il me supporte, il me transporte, il me contient et me donne une identité. Il devrait être mon ami et au lieu de cela, je le traite comme s'il était mon pire ennemi. Je le trouve vieux, je le trouve gros, je le trouve laid et maladroit. Il est pourtant tout le contraire. Il est merveille de technologie. Inégalable et inégalé ; robuste et fragile ; souple et léger autant que ferme et puissant.
Il est matière vivante. Il réagit à tout, tout le temps, et parfois, sans que j'en aie connaissance. Il a sa propre conscience, sa propre intelligence. Il agit, il s'accroît, il se bat pour que toutes les heures, tous les jours, toute la vie, je puisse penser à autre chose qu'à lui.

Mon corps complexé, dont j'ai une mauvaise opinion est sans aucun doute le seul bien que je possède. Et sans conteste, c'est le plus précieux que je posséderai jamais. Pour cela, je crois, je lui dois bien un peu de respect.

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Commentaires
[
Moi, j'suis preneur
A
quant à moi, j'aime beaucoup ta main, ton bras...très belle position....ce texte est très très beau...chapeau, Monsieur, vous avez du talent!
E
C'est une manière originale et touchante de se dévoiler. Visiblement ce corps a plein de ressources, et sans doute pour longtemps encore. J'aime beaucoup la première photo (celle du regard): elle retient l'attention, sans que j'arrive à mettre le doigt sur ce qu'elle exprime.
C
Joliment beaux, ce texte et ce corps. C'est émouvant. Il est clair qu'on devrait plus de respect à cette machine bien réglée qui transporte notre esprit dans le chaos matériel...
L
Bah il m'a l'air très bien ce corps : joliment mis en valeur, du poil un peu partout, rien à jeter !! Et si tu ne sais pas comment en prendre soin, mets-le entre les mains d'un autre, il serait vraiment étonnant que personne ne veuille s'en occuper ! :-)<br /> Au passage, ton corps n'est pas ton seul bien, tu as aussi ton esprit d'où tu as tiré ce joli texte, mais c'est un bien immatériel...
Gay.mais.pas.que
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