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Gay.mais.pas.que
6 décembre 2010

Hopla !

Je vis depuis quelques années en Alsace.

Lorsque je me suis décidé à venir vivre ici, ce n'était pas par goût. Je ne connaissais de l'Alsace que la visite que nous en avions fait en 1978 avec mes parents et dont je n'ai gardé aucun souvenir ; et les images d'Epinal : cigognes, géranium et patois. Je n'étais guère enchanté de me retrouver au coin... de la France, tout près de l'austère Allemagne, caché derrière les Vosges. Au moment de faire mes cartons, nombre de mes "amis" m'ont plaint au lieu de se réjouir de mon nouveau départ. Chacun y allait de son petit couplet condescendant "J'espère que ça ira...", "T'inquiètes, tu resteras pas longtemps...", "C'est pour la bonne cause..." Bref, j'étais inquiet, vraiment inquiet.

D'abord, je m'attendais à ce que les gens ne parlent que l'alsacien : un mélange d'allemand, de suisse alémanique et d'extraterrestre. Ce fut ma première surprise : même si tout le monde sait le parler, les Alsaciens ne rejettent pas ceux qui ne parlent pas leur patois. Et même les petits vieux qui n'ont pratiquement connu que l'alsacien et l'allemand font des efforts pour me parler en français quand je leur dis que je ne comprends pas. Bon, c'est vrai qu'ils ont un fort accent et des expressions qui sont particulièrement exotiques comme "Hopla", "Yo", "Service", "Pétard" ou "Géét's ?" Au début j'ai trouvé ça bizarre puis j'ai trouvé ça charmant et maintenant je trouve ça (presque) naturel. Ils ont aussi de drôles de façons de construire certaines phrases. Par exemple pour savoir si l'épicerie sera ouverte demain, ils demandent "Maintenant, est-ce que l'épicerie aura ouvert demain ?". Sur le coup, ça laisse perplexe...

Ensuite, je me suis dit que l'Alsace était une région française "indépendante". J'avais dans l'idée que son histoire l'avait rendue en quelque sorte étrangère au destin du reste du pays. C'est vrai que par certains aspects, elle cultive son identité singulière et qu'on y fait pas forcément tout comme dans le reste de la France -- notamment en terme de sécurité sociale. Mais c'est aussi une région qui est très fière d'être française. On pense tous à la guerre et à l'annexion de cette région par les Allemands. C'est une réalité. Les anciens ont connu ici des choses d'une extrême violence. Mais aujourd'hui les jeunes générations sont très ouvertes sur l'Europe. Parce que l'Alsace est une des portes d'entrée de la France, elle se met en valeur. Et elle a beaucoup à faire pour tenir la dragée haute à la Suisse qui cultive son image country-chiccountry-chic. Le tourisme fonctionne bien en Alsace, et notamment le tourisme franco-françaisfranco-français. Les vins d'ici sont réputés et les paysages sont appréciés. Les clichés sont entretenus pour les visiteurs (comme les marchés de Noël par exemple) et Strasbourg rayonne comme une enseigne dans une vitrine.

Ce qui m'a le plus dérouté sans doute en venant vivre ici, c'est l'enracinement de la religion. Je ne sais pas d'où cela vient, mais les Alsaciens sont des gens très fervents. Ils sont très respectueux des traditions religieuses. Par exemple, les cloches de l'église de mon village sonnent tous les soirs à 22h (je crois que c'est pour annoncer le couvre-feu) et je ne vous raconte pas le festival de tintements du dimanche matin ou des jours de fêtes paroissiales ! Au-delà de ce côté anecdotique, les Alsaciens sont globalement des gens attachés à certaines traditions et notamment à celle de se retrouver en famille (ou entre amis) pour les grands évènements de l'année : Pâques et la Noël. Il y a tout un tas de petites fêtes comme par exemple la Saint Nicolas (aujourd'hui 6 décembre) mais rien n'arrive à la cheville de Pâques et Noël. D'ailleurs le vendredi qui précède Pâques est férié, ainsi que le jour qui suit le 25 décembre (le 26, donc). Ici Noël occupe une place de choix dans le quotidien des gens. Ils sont nombreux à décorer outre mesure leur maison. C'est parfois kitchissime, plus rarement féerique, mais c'est vraiment un élan communautaire assez rare, finalement, de nos jours.

Hiver comme été, le climat y est souvent rude. Les paysages sont variés, parfois sauvages, très verdoyants. Les gens y sont quelquefois dures, mais ils sont aussi généreux. Les traditions y sont tenaces et la morale un peu désuète, mais, au carrefour de l'Europe, l'Alsace est aussi une terre de rencontre et d'échange.
Tout cela me rend cette région assez attachante. Bien qu'il m'arrive quelques fois de vouloir partir d'ici à tout prix, je reconnais que je commence doucement à m'y sentir à l'aise, un peu chez moi. Il ne me reste plus qu'à apprendre l'alsacien... et à le pratiquer un jour peut être avec un gars d'ici, qui sait ?

Bis bààl !

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Commentaires
E
@ Farfalino : Je suis Lorrain d'origine mais je n'ai pas vraiment grandi la-bas. J'ai davantage vécu en Champagne. Le Nord est une région que j'affectionne beaucoup : les gens y sont for-mi-da-bles.<br /> <br /> @ Gouli : merci pour toutes ces précisions ;)<br /> <br /> @ Tambour-Major : c'est bien connu, l'herbe est toujours plus verte chez le voisin. N'hésite pas à venir, la région est très belle, été comme hiver.<br /> <br /> @ RPH : tu as noté que je ne parle pas de Strasbourg comme d'une ville alsacienne traditionnelle. C'est effectivement une ville très européenne et, par conséquent, cosmopolite. (et c'est tant mieux car personnellement j'aime beaucoup m'y rendre)<br /> <br /> @ Arthur : j'ai vécu 3 ans à Grenoble. Je n'ai pas réussi à m'y acclimater. Comme quoi...<br /> <br /> @ Loup : C'est vrai, l'Alsace et la Lorraine ont cet attrait : 2 jours fériés en +... <br /> <br /> @ Endim : l'Alsace est une région très "typée" et très traditionnelle. Du coup, il est évident que, même en y restant très peu, on est forcément "marqué" par l'expérience qu'on y vit.
E
La manière dont les régions se distinguent par des tics linguistiques me plaît beaucoup ;)<br /> Je n'ai vécu que deux ans en Alsace - à Strasbourg, mais la description que tu en fais me rappelle des impressions et des anecdotes. Le jour où j'ai quitté la région, j'ai eu assez mal au ventre...
L
Une des étapes les plus dures quand on quitte l'Alsace, c'est justement qu'il faut renoncer à ces deux jours fériés bonus ! :-)<br /> On a tous des a priori, plus ou moins gênants, sur les autres régions où on n'est jamais allé, il faut savoir les oublier pour bien s'intégrer. Moi c'est Marseille qui me ferait peur, et surtout les marseillais, que j'imagine tous trop exubérants pour moi.
A
même experience pour moi, "émigré" en Rhone-Alpes, qui n'a pas vraiment d'iodentoté, mais est finalement très agréable....cela va faire bientôt 20 ans, et je devais ne rester que 6 mois!!!<br /> sinon, j'aurais pu écrire la meme chose que FArfalino, notamment la dernière phrase...
R
Si les villages alsaciens ont conservé leur charme d'antan, Strasbourg est devenue une grande ville cosmopolite où, je crois, environ 120 religions sont présentes y compris la mienne qui est de ne pas en avoir...
Gay.mais.pas.que
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