Rêveries picardes
Souvent, j'ai en tête un paysage, un décor, une ambiance quelconque. Déjà vu ou pas d'ailleurs. Le plus souvent je tombe dans la contemplation intérieure de ces images lorsque je ressens le besoin urgent de me déconnecter de l'extérieur justement. Lorsqu'il y a trop de bruit, trop de monde. Lorsque ce que j'entends ou ce que je vois m'agresse trop, me déplaît ou ne m'intéresse pas. Je suis un rêveur comme on dit.
Mon drame -- appelons le ainsi pour donner du relief à ce billet qui n'en a guère -- c'est de ne pas réussir à retranscrire ce que j'ai dans la tête, ni par des dessins, ni par des photos, non plus par des textes. Je suis condamné à garder dans les limbes de mon imagination ces éclats de réalité. C'est, pour moi, terriblement frustrant de ne pas pouvoir matérialiser les images que je crée dans ma tête. C'est comme d'avoir vécu une histoire extraordinaire, vouloir la partager et de ne pas savoir la raconter.
Cette semaine, j'ai brutalement eu la vision d'un paysage de Thiérache. Vous êtes sans doute peu nombreux à connaître cet endroit de France. La Thiérache est un petit territoire qui se situe au nord est du département de l'Aisne, en région Picardie (avec le département de l'Oise et celui de la Somme ; capitale régionale : Amiens). Cette région borde la frontière belge. C'est en Thiérache que ma grand-mère vivait jadis. D'ailleurs, mes parents y sont nés. Je ne saurais pas dire pourquoi j'ai soudainement eu envie de me souvenir de cet endroit assez banal finalement. Du coup j'ai rechercher des images pour tenter d'illustrer mes pensées [fugaces] du moment. J'en ai trouvé quelques unes et plutôt que de les coller dans mon billet, comme ça, sans avoir rien d'autre à faire que d'appuyer sur une vulgaire touche [oui, je trouve les touches vulgaires par moment], j'ai essayé de m'en inspirer pour recréer un décor avec mon crayon et ma dextérité. Le résultat n'est pas à la hauteur de ce que j'espérais, bien sûr. Mais il est somme toute plutôt meilleur que d'habitude.
Dans cette composition, il y a une maison typique du Nord de la France, tout en briques rouges. On y accède depuis la route par un portail qui n'a plus de portail que le nom. Le mur qui encercle le jardin est affaissé sur l'avant et risque bien de s'effondrer complètement si rien n'est fait. Pourtant, ç'avait du être un joli petit mur au tout début, avec une jolie grille dardant des pics aussi décoratifs que dissuasifs. C'est une maison simple mais, quand on regarde les détails, assez coquette. Les fenêtres sont serties de moulures en pierre blanche, et les volets sont sans doute astucieusement remplacés par des stores plus discrets. Il y a un petit auvent au dessus de la porte d'entrée, elle-même couverte de formes compliquées en fer forgé. La végétation est rare dans le jardin. A part de l'herbe et quelques buissons, il n'y a rien. Globalement, l'ensemble est assez mal entretenu. Collés à la maison, il y a deux bâtiments, eux aussi en briques dont un est dépourvu de fenêtres. Ce doit être une espèce de hangar. Il fait plutôt beau ce jour là : le ciel est clair et il n'y a pas de vent. Mais malgré cela il fait encore froid : c'est à peine le début du printemps. Les bourgeons n'ont pas encore éclos. Le poteau électrique devant la maison distille la nuit venue grâce à son lampadaire, un peu de clarté sur cette route de campagne où il y a peu de circulation. Finalement c'est ça : c'est une image de la campagne, ni plus ni moins. Dans tout ce qu'elle a de paisible et de déprimant. Comme si le temps se figeait dans ce genre d'endroit. On a l'impression qu'il ne s'y passe plus rien depuis longtemps déjà....
Je vous laisse juge de mon travail. Il y a trois versions : au crayon, à l'encre, avec de la couleur. Je préférerais que vous oubliez la version coloriée qui m'insatisfait complètement ! Bah, au moins, cela m'aura permis de rêvasser pendant deux jours au-dessus de ma feuille, tout en tirant la langue pour m'appliquer. Et c'est déjà pas si mal finalement...